Par Rachel Brahy (ULiège) et Chloé Branders (ULB)1

Introduction

Dans cet article, nous entendons interroger la façon dont le théâtre à finalité sociale et politique peut produire des savoirs, et donc d’une certaine manière, « faire science ». Plus exactement, nous interrogerons l’apport de l’art pour la recherche dans sa dynamique disruptive (Park, Leahey, Funk, 2023). Autrement dit, comment l’art peut participer à critiquer des savoirs préexistants, à les repenser ou même à les redéfinir ?

Empiriquement, nous nous appuierons sur nos travaux respectifs consacrés à l’étude des processus créatifs en ateliers de théâtre-action (Brahy, 2012 ; 2019 et Branders, 2023). Théoriquement, nous mobiliserons un concept-clé qui deviendra central dans notre propos. Ce concept est celui de justice ou d’injustice épistémique. Il a été développé par Miranda Fricker (philosophe britannique) dans son livre Epistemic Injustice : Power and the Ethics of Knowing (2007). Ce concept entre particulièrement en résonance avec l’analyse ancrée que nous souhaitons faire des ateliers de théâtre. Il attire le regard sur « un type d’inégalité qui se manifeste dans le rapport aux savoirs » ; c’est-à-dire, à la fois, dans l’accès, la reconnaissance, et la production de savoirs (Bogaert, 2021). Partant de là, nous nous demanderons donc, d’une part, si le théâtre à finalité sociale et politique peut être un instrument de lutte contre les injustices épistémiques et, d’autre part, comment s’opère cette lutte sur le terrain.

Pour répondre à cette double question, nous allons dans un premier temps définir ce que nous entendons par théâtre à finalité sociale et politique et préciser pourquoi la finalité est, selon nous, essentielle pour caractériser la démarche qui nous intéresse. Dans un deuxième temps, nous présenterons, dans les grandes lignes et en vue de son opérationnalisation, le concept d’injustice épistémique. Enfin, dans un troisième temps, au départ de situations concrètes issues de nos travaux d’enquête, nous analyserons comment le théâtre à finalité sociale et politique peut lutter contre différentes formes d’injustices, en l’occurrence épistémiques ; à savoir des injustices testimoniales ou des injustices herméneutiques (telles que distinguées et définies par Miranda Fricker, cf. infra.).

Le théâtre à finalité sociale et politique

Pour les rédactrices de cet article, la terminologie de « théâtre à finalité sociale et politique » est adoptée en vue d’élargir le propos à la suite d’enquêtes plus strictement dédiées au théâtre-action (Biot, 1996 ; Biot, 2006). C’est donc à partir du théâtre-action que nous abordons la lutte contre les injustices épistémiques, mais en élargissant le périmètre des activités théâtrales œuvrant, selon nous, à cette lutte. Pour commencer, précisons toutefois ce que nous entendons par « théâtre-action ».

Le théâtre-action est circonscrit en Belgique francophone par des directives qui définissent les missions des compagnies. Il s’inscrit dans une histoire singulière et, sans aller dans le détail, on doit signaler que le théâtre-action est caractérisé par une démarche spécifique de « création collective » qui associe ses publics. C’est ce que l’on a pris l’habitude d’appeler des créations « en ateliers », menées avec des « participants ». Parallèlement, les compagnies ont également pour mission de travailler à travers des « créations autonomes » qui traitent de sujets sociaux, pris en charge cette fois par les professionnels de la compagnie, en vue de participer à une sensibilisation d’un tout public. Dès la fin des années 1960, les comédiens animateurs des compagnies de théâtre-action se sont donc liés à des publics militants/ouvriers, pour réaliser des « ateliers théâtre ». Aujourd’hui, les participant·e·s à ces ateliers sont qualifiés de personnes « socialement ou culturellement défavorisées »2.

À partir des caractéristiques relatives à la définition de ce public et conformément aux rapports entretenus avec lui, nous pensons que le théâtre-action fait partie d’un mouvement plus large que nous pouvons appeler le théâtre à finalité sociale et politique. Nous parlons d’un type de théâtre qui se construit principalement en s’inspirant du vécu des personnes pour, dans ses versions les plus radicales, en faire l’essentiel de son propos, comme c’est le cas dans la plupart des créations en ateliers pour le théâtre-action.

Plus exactement, ce théâtre (à finalité sociale et politique) peut se définir par des démarches créatives et des engagements directement dirigés vers la contestation et la transformation sociale. En effet, parler de « théâtre à finalité sociale et politique », c’est penser que les finalités organisent ce qui les précède, c’est-à-dire : les modes de production ou les démarches, et les processus créatifs. Par engagements, nous entendons le fait de tenir certaines postures éthiques ou lignes de conduite qui guident les investissements dans les expériences. Plus précisément (et pour se limiter à des exemples simples) : ce n’est pas la même chose de poursuivre une action en vue d’obtenir un bénéfice personnel (une rétribution ou une récompense, par exemple) que de poursuivre une action en vue de sensibiliser un large public à une question sociale (qui anime personnellement le collectif des participant·e·s aux ateliers). Bien que ces deux types d’engagement puissent être liés, ils supposent des grammaires différentes au niveau des valeurs mobilisées, des manières de se coordonner, de se comprendre et de se mettre à l’épreuve, notamment (Thévenot, 2006 ; Brahy, 2019). Saisir la complexité de ces grammaires d’engagement et leurs relations est intéressant pour éclairer le théâtre à finalité sociale et politique, souvent sujet à de multiples formats d’engagement, enchevêtrés les uns aux autres ; et parfois recouverts les uns par les autres. À ce propos, on peut penser au cas du théâtre en prison souvent réduit à une finalité réhabilitative qui résume l’action artistique à une fonction pénale, élaguant sa réalité plus complexe (Branders, 2023 ; Vila Guimenez, 2015).

Bref, sans poursuivre trop longuement ce débat ici, on peut dire que théâtre-action entre donc, d’après nous, dans cette définition qui fait de la contestation et de la transformation sociale l’horizon de son élaboration, même si d’autres finalités (ou formats d’engagement) s’y retrouvent aussi. Ceci étant, bien d’autres « théâtres » s’élaborent également dans cette perspective, notons : le théâtre militant (Neveux, 2007) ; le théâtre social (Dubois, 2011); le théâtre populaire (Faivre B., 2007) ; le théâtre ouvrier (Perin, 1979) ; le théâtre universitaire (Chevalier, 2018) ; l’agit-prop (Bablet, 1977); le théâtre de l’opprimé (Boal, 1977); le théâtre de rue (Freydefont, 2008); le théâtre d’intervention (Ebstein et Ivernel, 1983 ; Inberg, 2000) …

Du théâtre donc, qui aurait, dans tous les cas de figure, comme caractéristique et comme principe de mettre particulièrement en avant ses finalités sociales et politiques.

Pour avancer dans cette réflexion sur l’horizon politique affirmé de certaines propositions théâtrales, poursuivons un instant avec Olivier Neveux. Ce dernier soutient que, par essence, « le théâtre est politique ou n’est pas théâtre » (Neveux, 2019, 10). Il suggère en ce sens de faire une distinction entre le politique et le politisé. Ainsi écrit-il : « plutôt que de considérer que « tout est politique », n’y aurait-il pas quelque intérêt à considérer que « tout peut être politisé » et à faire de cette opération l’objet d’une difficulté plutôt qu’une évidence ? » (Neveux, 2019, 11). Lorsque l’on parle de théâtre à finalité sociale et politique, c’est dans cette même optique que nous nous situons. Dans une optique processuelle, qui permet de mettre en exergue les dynamiques qui soutiennent des propos, des actions, des textes, des esthétiques politisables, afin de replacer ces dernières dans une narration qui dépasse l’anecdote, sur un plan plus général et au cœur de tensions sociales identifiables. Neveux définit la politique simplement comme « l’art de changer le monde », tout comme nous envisageons le théâtre à finalité politique, tourné vers la volonté de changer le monde. Certains vont d’ailleurs parler de theater for social change, d’un théâtre destiné à la transformation sociale (Lucas, 2021) ou dans sa forme la plus explicite, d’un théâtre militant (Neveux, 2007).

Enfin, précisons encore que le théâtre à finalité sociale et politique, tel que nous le concevons, n’est pas seulement un théâtre dit militant ou explicitement politique. Il revêt certes une dimension politique – parfois subtilement ou discrètement exprimée -, mais il s’oriente aussi vers une finalité sociale. Ce qui veut dire qu’il se lie à des gens et à leur environnement social, avec lesquels il entretient un dialogue ou, à tout le moins, des échanges. L’aspect social du théâtre s’inscrit dans les interactions au cœur des ateliers de théâtre où l’outil artistique est mis à disposition d’un collectif qui peut pleinement s’en emparer pour amplifier leurs voix.

Dans ce sens, les ateliers recoupent, selon nous, des processus de cocréation artistiques et des processus de cocréation de savoirs. En particulier, nous pouvons identifier deux dynamiques ou deux chemins qui, dans la réalité, sont intimement liés, voire même synchroniques, mais qui, pour leur bonne compréhension, peuvent être dissociés. Tout d’abord, le théâtre à finalité sociale et politique agrège des savoirs venant des gens, des vécus. Il est documenté par ces expériences et savoirs qu’il théâtralise. En ce sens, il représente une certaine réalité sociale ou du moins, une de ses interprétations. Ensuite, il est aussi documentant : en agrégeant des savoirs, il participe synchroniquement à la création de nouveaux savoirs ; et à un positionnement parfois critique vis-à-vis d’autres savoirs. Nous pouvons potentiellement observer une dynamique de reconversion ou de révolution des savoirs. Autrement dit, la valorisation de ce nouvel agrégat de savoirs permet une mise en dialogue avec des savoirs préconstruits et permet éventuellement de les repenser.

En bref, en parlant de théâtre à finalité sociale et politique, nous posons un spectre de pratiques théâtrales concernées potentiellement par ce qui va suivre. En effet, les démarches qui conduisent vers des finalités sociales et politiques supportent des processus concrets (de légitimation notamment) qui s’articulent (ou non) à la lutte contre les injustices épistémiques, c’est-à-dire, celles vécues par les participant·e·s aux ateliers de théâtre concernés.

Les injustices épistémiques. Deux types : injustices testimoniales ou injustices herméneutiques

Pour analyser et discuter de situations empiriques concrètes issues de ces théâtres à finalités sociales et politiques, il convient d’abord de préciser ce que nous entendons par « injustices épistémiques » et de signaler, ensuite, ce que recouvrent les deux types d’injustices épistémiques identifiées par Fricker ; à savoir « l’injustice testimoniale » et « l’injustice herméneutique ».

Dans ses travaux, Fricker (2007) part du postulat selon lequel notre vie sociale dépend de nos statuts épistémiques respectifs, c’est-à-dire que nos interactions avec les autres s’appuient sur une capacité, souvent ni précisée ni discutée qui consiste à : pouvoir rendre compte correctement des faits, à observer l’état des choses présentes, à en tirer des inférences, des conclusions ; en somme, des savoirs. Chaque personne détiendrait ainsi de la connaissance, parce qu’elle est capable de compréhension et obéit aussi à des croyances qui lui sont propres. Autrement dit, nous sommes tou·te·s des interprètes (témoins et herméneutes) de nos vies, des faits et des situations qui nous entourent. Nous sommes au quotidien et en permanence des producteur·trice·s de savoirs. Nous transmettons ensuite ces interprétations aux autres dans des contextes très variés (à l’école, au travail, en faisant nos courses, etc.). Dans nos relations quotidiennes, nous dépendons donc de ce qu’on pourrait appeler un « capital social de crédibilité » et, usuellement, ce n’est que face à l’évidence d’un mensonge répété ou suite à des fautes graves qu’est retirée à quelqu’un·e son « autorité épistémique » ; ou plus simplement dit, sa légitimité.

Face à ce « capital », cette « autorité » ou « crédibilité » épistémique, on peut définir l’injustice épistémique. Il s’agit d’une situation où une personne se voit ôter sa crédibilité pour des raisons mauvaises, ou – en tout cas – qui peuvent être considérées comme injustes. Ainsi, l’espace des injustices épistémiques se structure en deux types d’injustices spécifiques. D’une part, celles qui reposent sur les qualités du témoin, son statut social : il s’agit des injustices dites testimoniales. D’autre part, celles qui reposent sur les compétences interprétatives des personnes qui s’expriment ou de celles qui écoutent : il s’agit des injustices dites herméneutiques.

En ce qui concerne les injustices testimoniales, elles surviennent quand la parole d’un individu est décrédibilisée de manière « injuste » ; c’est-à-dire sur base uniquement de son statut social, parce qu’il ou elle se trouve dans une position minoritaire ou marginalisée. On retrouve ici toutes les discriminations liées à la classe, la race et au genre, auquel il peut être ajouté les invocations caractéristiques liées à l’âge, à la validité physique et psychologique ; ou encore celles liées à des expériences de vie stigmatisantes, comme c’est le cas pour les personnes judiciarisées, notamment. Ces référents discriminatoires sont nombreux. Leur usage est fréquent (malheureusement…) pour discréditer des paroles, témoignages, expériences ou expressions.

En ce qui concerne les injustices épistémiques de l’autre type, à savoir les injustices herméneutiques, elles sont à rapporter aux situations d’intercompréhension où des supports sociaux expressifs font défaut. Autrement dit, dans ce cas de figure, les personnes qui s’expriment manquent de « ressources conceptuelles ». Et parce que les mots leur manquent pour décrire ce qui se passe, parce que les supports en termes de contenus expressifs leur font défaut, à la fois, individuellement et collectivement, elles seront décrédibilisées. En bref, l’injustice herméneutique repose sur le fait que la situation vécue ne peut être clairement (justement) relatée. Pour bien percevoir ce type d’injustice, il faut concevoir aussi le rapport de force existant entre des styles expressifs distincts : certains styles « écrasant » (volontairement ou non) d’autres styles. Ainsi, cette forme d’injustice épistémique concerne parfois des groupes minoritaires et/ou stigmatisés qui ne disposent pas du vocabulaire nécessaire pour se faire comprendre ;  mais aussi de ceux qui disposent tout à fait du vocabulaire pour décrire leurs expériences, mais qui ne peuvent se faire comprendre ou accepter des autres (qui écoutent, mais n’entendent pas ; ou l’inverse) car ces derniers – même quand ils sont bien intentionnés – ne comprennent pas toujours « ce qui est dit », demeurant dans l’espace creusé entre deux styles expressifs (et expérientiels) trop éloignés.

Maintenant que nous avons défini les différents types d’injustices, tentons de nous saisir d’exemples concrets pour chacune d’elles, afin de mieux étudier comment un théâtre à finalité sociale et politique peut (ou non) participer à lutter contre de telles injustices.

Analyse : comment lutter contre les injustices épistémiques à travers le théâtre à finalité sociale et politique ?

« Si je pleure, ce sont des larmes de crocodile pour émouvoir les jurés ; si je m’offusque, je suis agressif et cela rend bien compte de mon comportement instable ; si je souris, je suis cynique et cruel ; si je reste neutre, que je n’exprime aucune émotion, je suis sans cœur ; si je regarde le sol pour me faire oublier, je ne m’intéresse pas, je ne m’implique pas assez dans ce qui se joue »3.

Voici, par ces quelques mots, un exemple qui rend compte de la manière dont une personne judiciarisée s’est sentie injustement traitée lors de son procès. En bref, et suivant notre analyse : elle a fait face à une injustice épistémique de type testimonial ; en étant prise dans un processus de catégorisation qui vient démentir ou déformer ses propos. Par son statut d’accusée ?, elle n’est par principe ni entendue, ni estimée sincère, ni écoutée… De fait, très souvent, l’accusé dans un procès pénal se voit ôter toute crédibilité parce que, d’une part, il a fauté (et subira de ce fait une stigmatisation (Goffman, 1968), liée à la criminalisation elle-même) et, d’autre part, comme la plupart des personnes criminalisées, son statut social est le plus souvent faible en raison d’un processus de racisation, d’ethnicisation dont il est victime, lié de plus à un statut économique faible lui aussi, le plus souvent (Marchetti, 1997).

Ce type de témoignage n’est pas un cas isolé. Il corrobore ceux d’autres personnes qui se sont senties dépossédées de leur part d’expression lors de leur procès et qui en discutent lors d’un atelier de théâtre, en prison. Toutefois, derrière les barreaux, ces justiciables ont encore moins de possibilités de faire entendre leurs voix, au-delà de celle qu’il parvienne à communiquer dans l’atelier…

L’exemple du procès est édifiant lorsque l’on parle de témoignage et, outre le point de vue des auteurs des faits, on peut aussi penser aux témoins ; ou dans le processus antérieur au procès, aux personnes qui déposent plainte. En effet, trop souvent, un témoignage ou une plainte peut être discréditée, ne pas paraitre crédible, ou inscriptible même, parce que la personne vient d’un groupe minoritaire. Pensons notamment aux dépôts de plainte pour viol ou harcèlement qui sont encore peu pris en compte, d’une part, car les victimes (essentiellement des femmes) sont peu crues et d’autre part, parce que les concepts de harcèlement et de viol sont encore mal circonscrits (notamment sur le plan juridique), et mal usités… (Belknap, 2001). Ce qui constitue, ici, une injustice épistémique plutôt herméneutique.

Mais revenons à l’exemple initial : décrédibiliser la parole d’un individu sur base de son statut social est une injustice testimoniale. Il s’agit d’une injustice épistémique, car les personnes (ici, le juge, les avocats, les policiers…) n’auront pas reconnu l’autre comme un sujet connaissant/ détenteur de savoirs/ capable même de connaissance. Alors, ce que nous pouvons nous demander ici (et ce que nous nous demandons d’ailleurs), c’est : dans quelle mesure le théâtre à finalité sociale et politique peut-il être un moyen de contrer ces difficultés de compréhensions mutuelles, ces enjeux de reconnaissances, de légitimation ? Dans le cas qui nous occupe : comment l’action théâtrale peut-elle participer, au cours du processus d’ateliers en l’occurrence, à crédibiliser les personnes décrédibilisées dans leur capacité de sachant ?

Principalement, l’ouverture d’un espace d’expression sécurisé, dédié et réservé à des personnes souvent minorisées, mais ici valorisées (tel que cela se réalise dans un atelier de théâtre-action, par exemple) participe à redonner une certaine crédibilité aux yeux des personnes, à la fois, pour et par elles-mêmes (parfois en recherche d’expression) mais aussi pour et par ces autres, spectateur·trice·s du résultat d’un processus créatif, qui peuvent alors agir comme des miroirs. La création d’une « safe zone », n’est pas sans rappeler les alcôves que J.C. Scott présente comme étant les espaces-temps sécurisés, où les subalternes peuvent se rassembler pour organiser leurs actions infrapolitiques (Scott, 2008).

De plus, un soutien concret se traduit, pour les personnes, par le fait que, dans un atelier-théâtre (ou plus largement dans une démarche de théâtre à finalité sociale et politique), une grande attention est portée à créer des conditions d’expression et d’écoute favorable (un lieu, des horaires, des modalités de fonctionnement, etc.). Quel que soit le statut social des participant·e·s, chacun·e bénéficiera d’une considération égale de la part des animateur·trice·s. De ce fait, il s’agit aussi simultanément de valoriser des éléments concrets issus de l’expérience sociale ; d’accepter et de valider des points de vue situés (Flores Espinola, 2012), pour instituer les positions sociales occupées par les participant·e·s comme de véritables lieux d’expertise, telle que l’expression « experts du vécu » peut le résumer (sans doute imparfaitement, mais quand même…). Indéniablement, ce processus redonne légitimité et consistance à des expressions qui se voient alors soutenues et accompagnées dans leur mise en forme ou, ici, en scène.

Au-delà de ces efforts concrets pour installer et garantir une écoute spécifique (qualitative et soutenante), il y a aussi un engagement explicite des accompagnants (comédien·ne·s, artistes) aux côtés des personnes marginalisées (Brahy, 2019). Plus exactement, c’est un engagement qui signe un positionnement (en relation donc avec cette question du statut) avec et pour elles et pour eux. En clair, les comédien·ne·s animateurices s’engagent en faveur de la cause de leurs publics, en vue de valoriser leurs expressions (souvent niées, dénigrées ou déformées).   Autrement dit, les artistes (comédien·ne·s-animateurices ou autres intervenant·es) qui accompagnent ces processus d’expression le font dans le but explicite de rétablir une certaine justice et de participer à une action politique et sociale. Ils en ont conscience, l’assument et le déclarent. Même s’ils le disent avec d’autres mots, clairement, cette parole qu’ils accueillent (ou stimulent même) est, pour eux, une partie (une part) essentielle d’un processus démocratique de production des savoirs et de subjectivation politique4.

Poursuivons encore avec l’exemple du théâtre en prison, afin de signaler certaines stratégies propres au théâtre à finalité sociale et politique. Pour les animateurices de théâtre, entrer en prison ne signifie pas d’épouser les logiques pénales, ni de venir soigner les détenus ou les traiter en vue d’une réhabilitation sociale. Leur engagement consiste le plus souvent à se positionner aux côtés des détenus (comme nous l’avons déjà dit), à considérer ce qui compte pour eux et à soutenir leurs démarches, leurs envies. Même si la plupart des artistes qui entrent en prison ont une position abolitionniste, ils jonglent avec cette position et l’instrumentalisation, inévitable, de leur démarche artistique et militante par le système carcéral (Branders, 2020). De facto, les artistes entrent le plus souvent en prison par la brèche. Cette expression est employée à propos du théâtre en prison par Ashley Lucas, ancienne coordinatrice du « Prison Creative Art Project » à l’Université du Michigan. C’est-à-dire que le monde carcéral ne se méfie pas des artistes : « ils nous considèrent comme une influence pacificatrice. Ce qui leur échappe, c’est que nous sommes en train de changer la façon dont les gens vivent et pensent de part et d’autre des murs »5. Ce type de démarche – assumée et travaillée comme telle – a évidemment une influence majeure sur la reconnaissance des personnes qui vivent la détention et de leurs compétences, par-delà leurs statuts et assignations habituelles.

Penchons-nous à présent sur les injustices épistémiques de type herméneutiques. Une injustice herméneutique, pour rappel, consiste à décrédibiliser un individu sur base de sa capacité à s’exprimer, à se faire comprendre. Soit parce que les supports en termes de contenus expressifs efficaces lui manquent (et ce défaut de support peut être collectivement partagé ou non). Soit parce que les styles expressifs employés par certains groupes sociaux s’imposent par rapport à ceux d’autres groupes sociaux, qui, en conséquence, ne parviennent pas à faire entendre, valoir ou reconnaitre leur propre style, leurs cadres de référence (Goffman, 1991).

Pour entrer concrètement dans cette question, prenons l’exemple de l’exercice dit du « chant des sirènes » (largement inspiré des propositions d’A. Boal, 1978) et fréquemment réalisé en atelier-théâtre. Plus exactement :

« C’est un exercice où les gens ont les yeux fermés et ils réfléchissent à une histoire, une oppression qu’ils ont vécue. S’ils ne comprennent pas « oppression », on dit une histoire, un moment très désagréable. Et ils essaient d’abord de se souvenir de ce moment-là, en se remémorant les détails, les couleurs, les odeurs, les gens qui étaient présents. Puis je leur demande de laisser sortir, pas un mot, si possible, parce que je n’aime pas les mots mais ce qui vient quand ils pensent très fort cette oppression, qui peut être un cri, un souffle, je ne sais pas quoi. Donc ils s’écoutent les uns les autres et ils se rassemblent par sons, cris qui ont l’air d’être de la même famille. Et à ce moment-là, ils ouvrent les yeux et ils se racontent leurs histoires. Ce jeu s’appelle le chant des sirènes »6.

Cet exercice vient interroger les participants dans leurs expériences et leurs ressentis pour ouvrir et élargir le format acceptable de la narration. En effet, ce n’est pas un problème ici, si la personne ne trouve pas « les mots », « des mots », pour rendre compte d’une expérience intense, et bien réelle, en l’occurrence, une oppression. Autrement dit, au cours de cet exercice, il devient possible de se débarrasser de la contrainte de mise en mots et d’envisager de s’exprimer sans eux ; qu’éventuellement ils émergent, dans un second temps. C’est-à-dire aussi dans un temps plus collectif qui intervient a posteriori et où ces mots donc pourront être testés, forgés, (re)découverts, choisis, (re)formulés à l’aide d’une maïeutique qui repose grandement sur le collectif et la mise en perspective d’expériences sensibles proches.

« Je n’aime pas les mots » disait l’animateur (cf. supra). En cela, il signale son engagement à soutenir un processus herméneutique ouvert, permettant de quitter le registre des « mots entendus ou convenus », souvent inaptes à rendre véritablement compte de l’expérience ciblée (qu’il s’agisse d’une injustice ou d’une oppression vécue, en tant que – par exemple – femmes, jeunes, demandeurs d’asile, etc.).

Pour synthétiser les apports que cet exercice du chant des sirènes permet, notons qu’il favorise le rassemblement de sensibilités qui n’auraient probablement pas trouvé à se signaler dans des mots ou signifiants disponibles. Ainsi, le comédien-animateur permet (rend praticable) un accès non-langagier à l’expression de soi et de son expérience.

De plus, les manifestations expressives ainsi recueillies – dès le départ très intimes – vont être discutées et débattues lors de « retours » effectués aux participant·e·s pour commenter leurs performances/récits. Ainsi, se compose potentiellement un espace sémantique inédit, partagé et partageable, autour d’une expérience (sociale) spécifique. Autrement dit, le théâtre à finalité sociale et politique positionne la relation comme étant le levier principal permettant de donner du sens aux expériences, qui – de fait – n’acquièrent leur pleine dimension expressive, que dans l’échange.

Poursuivons la discussion autour de la lutte contre ces injustices herméneutiques en mobilisant un deuxième exemple. Nous appellerons l’exemple des « Papiers-questions ». Il s’agit d’une situation venant d’un atelier de création collective mobilisant des femmes invitées à échanger sur le thème de leurs relations au travail et à l’emploi7. Plus exactement, la question de la souffrance au travail est particulièrement traitée. De manière assez évidente, cette thématique pose un ensemble de difficultés herméneutiques. En effet, comment se faire entendre sur ce ressenti par d’autres, en particulier ceux qui appartiennent à un groupe social « dominant » pour qui le « travail » est nécessairement une valeur positive, un lieu d’épanouissement et de réalisation de soi ?  Tandis qu’il est pour les femmes engagées dans cet atelier (comme elles en témoignent) un lieu de grande souffrance… Plus exactement, la difficulté est double. D’une part, celle de trouver les mots justes pour rendre compte de leurs expériences douloureuses de travail. D’autre part, celle – presqu’idéologique (en tout cas, liée au déficit d’un référentiel commun) – de parvenir à envisager une forme d’énonciation qui signalerait le renoncement ou le refus de l’emploi comme perspective d’émancipation ou de (re)prise de liberté pour ces femmes. Tandis qu’historiquement, l’accès à l’emploi des femmes a été un combat de longue haleine, il a aussi engendré un discours (sinon lisse ; au moins normé et consensuel) extrêmement positif sur les bénéfices matériels et moraux de cet accès à l’emploi. Par conséquent, il est délicat de nuancer ou complexifier ce référentiel, tant les habitudes (idéologiques) de lecture s’imposent. Dès lors, toute tentative en ce sens risque fort d’être accusée de « conservatisme ». A fortiori pour des femmes en situation de précarité qui, a priori, devraient précisément chercher à s’émanciper par les moyens de l’emploi. Ces interprétations les plus courantes et répandues amènent parfois jusqu’à penser que « tout emploi » serait « bon » pour elles (ces femmes..), du moment qu’elles échappent ainsi, à la coupe du mari ou de la misère. Pourtant, fondamentalement, on peut s’interroger : entre la misère et l’oppression continue d’un·e patron·ne tyrannique, qu’est-ce qui relève du plus insupportable/invivable ? Face à un emploi inséré dans un système qui broie toute part d’humanité ou de valeur propre, que préférer ? Ce fut le thème de la pièce.

Ici, le théâtre à finalité sociale et politique agit donc bien en proposant un dispositif expressif inédit, puisque presqu’impossible à élaborer seul·e. Plus encore, ce dernier est pensé pour fournir aux spectateurs et spectatrices (non directement – ou non consciemment – concernés par la problématique de la souffrance au travail) diverses entrées dans l’expérience des femmes, témoignantes et souffrantes. Concrètement, les styles expressifs se sont démultipliés, complexifiés, nuancés pour parvenir à un espace d’intercompréhension. Dans le même ordre d’idée, il y eu beaucoup de propositions chantées, mélodiques, pour tenter de composer des ressources partagées et partageables, sinon cognitives, au moins sensorielles.

Enfin, une autre manière de faire a été de proposer aux spectatrices et spectateurs des bandelettes en papier (« papiers-questions ») sur lesquelles étaient inscrites des questions concrètes (par exemple : « Quelle place occupe ton corps, dans ton esprit, quand tu travailles » ? ou « Sens-tu ton corps, quand tu travailles ? »). Ainsi distribuées au public, elles interpellaient concrètement et poussaient à adopter (même très fugacement) un autre point de vue. Ces papiers-questions apparaissent comme des instruments-médiateurs de la relation. Ils signalent, supportent et transportent de possibles préoccupations partagées. Ce faisant, ces papiers-questions connectent le public à une expérience « autre », des autres ; permettant par-là de revisiter ses propres référentiels et d’ouvrir (c’est le but en tout cas) les cadres conventionnels de son entendement.

Bref, ces exemples (le chant des sirènes et les papiers-questions) témoignent finalement de toute l’attention donnée à la quête des modalités expressives et des styles expressifs justes ou efficaces, sur quoi le théâtre à finalité sociale et politique travaille. Et ce, en vue de soutenir des possibilités concrètes (pour les personnes avec qui il crée) d’augmenter leurs chances de se faire entendre et de se faire comprendre ; de mieux faire circuler dans la société certains savoirs, d’autres points de vue.

Conclusion

Par l’expression de « théâtre à finalités sociales et politiques », nous avons mis en exergue certaines orientations d’une action théâtrale qui dépasse l’idée de divertissement et/ou d’art. Plus encore, en parlant directement ici d’un théâtre qui lutte contre des injustices, en l’occurrence épistémiques, nous avons contribué à éclairer les modalités d’actions politiques et sociales concrètes par lesquelles le théâtre peut agir. Puisque les injustices épistémiques s’inscrivent dans la construction de savoirs et que ces gestes (de production des savoirs) sont depuis longtemps accaparés par les dominants, les riches, les blancs, les hommes :  le théâtre à finalité sociale et politique va lutter contre cet accaparement.

Pour opérationnaliser concrètement cette lutte, le théâtre à finalités sociales et politiques va agréer des savoirs marginalisés ou dénigrés en travaillant de manière transdisciplinaire, en soutenant une inscription politique forte dans les situations vécues (ce que l’on peut retrouver dans les théories sociales critiques). Il y a dans ces démarches, à la fois, une volonté d’être au plus près des gens, une valorisation de la parole située et, plus encore, une volonté de créer un espace de sens signifiant, dans un espace-temps précis pour des personnes qui se retrouvent dans l’intimité d’une troupe. Potentiellement, ensuite, par un effet tâche d’huile, ces personnes participeront à transformer l’imaginaire collectif au-delà du groupe, par des spectacles, par des interactions, par des actions. Le théâtre à finalité sociale et politique va ainsi s’atteler à : crédibiliser les personnes (décrédibilisées) dans leurs capacités de sachant en favorisant leur expression même au-delà des mots, assurer les conditions de réception de cette expression (que les gens soient entendus et compris).

Notre propos concerne en outre la liaison avec les démarches de construction des savoirs, telles qu’elles existent en sciences humaines et sociales et dans les démarches artistiques, ici théâtrales. Tout au long de cet article, nous nous sommes en effet aussi demandé comment la lutte du théâtre à finalités sociales et politiques contre les injustices épistémiques peut servir un projet épistémologique, c’est-à-dire une entreprise de construction des connaissances, en sciences. Ce chantier apparaît extrêmement vaste. Notre contribution à cet égard se sait modeste. Elle pourrait d’ailleurs être prolongée, en prenant appui notamment sur les travaux de Frédérique Aït Touati, en particulier sur la fiction (non mobilisés ici). D’après elle, la fiction joue un rôle essentiel dans la construction des savoirs. L’idée de « faire semblant » ou de « faire croire » renvoie selon elle à « un mécanisme de pensée, une opération mentale par laquelle on s’abstrait provisoirement, et volontairement, de ce qui nous entoure pour explorer d’autres potentialités » (Aït-Touati, 2011, 41). À travers la création collective théâtrale, un travail de projection de soi et de son monde social peut s’opérer au-delà de ses propres contours. Cette ouverture peut participer à créer une autre vision, à jeter des ponts entre différentes rationalités, jusqu’à parfois entamer un mouvement de subversion profond (comme avec les utopies).

En fin de compte, notre perspective sur le théâtre à finalité sociale et politique permet de considérer toute une série de questions encore à explorer : – 1) interroger les positions de « privilège épistémique » (qui s’arroge le droit de produire ou définir les savoirs ? Comment considérer la possibilité d’une connaissance nouvelle ?) ; – 2) implémenter une conception de l’être humain plus positive, en épousant une anthropologie expressive et capacitaire8 ; – 3) faire le point entre un univers vécu et sa portée symbolique, notamment à travers le langage mais aussi les récits ou la fiction (comment l’un informe l’autre, le renseigne, le décrit ? ) ;  – 4) interroger la cohérence entre des engagements de principes (éthiques et politiques) et des engagements pratiques (dans des micro-gestes créatifs ou d’enquête, des consignes concrètes d’exercices, des protocoles, etc.) ; – 5) dépasser la rationalité dominante pour observer la création d’un autre espace de sens et, in fine, la re-création d’un commun.

Les auteures

Rachel Brahy est docteure en sciences politiques et sociales et coordinatrice scientifique de la Maison des sciences de l’Homme (ULiège). Elle est maître de conférences à la Faculté des sciences sociales de l’ULiège où elle dispense les cours de médiation sociale et culturelle et d’exploration ethno-artistiques. Ses recherches s’ancrent dans une socio-anthropologie de l’agir humain, en portant une attention particulière à l’expérience sensible/esthétique et à la façon dont les politiques (sociales, culturelles, scientifiques et de la ville) permettent (ou non) d’éprouver de telles expériences. Parmi ses publications récentes : en 2019 : « S’engager dans un atelier-théâtre. À la recherche du sens de l’expérience » (Ed. du Cerisier, Cuesmes), en 2023 « L’enchantement qui revient » (coord. avec J.-P. Thibaud, N. Tixier, N. Zaccaï-Reyner (Ed. Hermann, Paris) ainsi que différents articles, notamment sur l’importance de la délicatesse dans la dynamique démocratique (2022, Revue Politique) ou des ambiguïtés vertueuses de l’expérience touristique (2023, Routledge).

Chloé Branders est docteure en criminologie, chargée de recherches FNRS au centre de recherche Pénalité, Sécurité et Déviances (CRPSD-ULB), maitre d’enseignement à l’Ecole des Sciences criminologiques Léon Cornil de l’ULB et chargée de cours en criminologie à l’UCLouvain. Ses recherches portent sur l’expérience d’enfermement des justiciables, la réaction sociale à la délinquance juvénile, la criminologie culturelle, la marginalisation et le genre. Elle est l’auteure de Théâtre en réclusion. Du jeu à la subversion, ouvrage portant sur l’analyse d’actions culturelles en prison et en IPPJ, paru chez Larcier en octobre 2023. Elle a également publié dans plusieurs revues scientifiques et ouvrages collectifs notamment à propos de la posture d’intervention en prison (2020, Champ pénal), de la création collective comme modalité de l’expérience d’enquête (2017, Criminocorpus) et du projet artistique pédagogique et participatif, Inside-Out, qu’elle coordonne depuis 2015 (in Cifali M., Giust-Desprairies F., Périlleux T. (dir.), Faire image : Approche clinique en recherche et formation, Paris, L’Harmattan).

Bibliographie

Aït-Touati, F., 2011, Contes de la lune : essai sur la fiction et la science modernes, Paris, Gallimard.

Bablet, D., 1977, Les théâtre d’agit-prop de 1917 à 1932 : 01 : L’URSS (Recherches), Ed. L’Âge d’Homme.

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Brahy R., 2019, S’engager dans un atelier-théâtre. À la recherche du sens de l’expérience, Mons, Éditions du Cerisier, 2019.

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1 Nous tenons à remercier vivement Roland de Bodt pour sa précieuse relecture et ses commentaires qui ont nourri la réflexion présentée dans cet article et continueront de nourrir une réflexion à venir.

2 Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif au théâtre-action, 2005, paru au Moniteur Belge le 02 août 2005)

3 Extrait de carnet de terrain, prison pour hommes, 2015. Observation réalisée par Chloé Branders dans le cadre de sa recherche doctorale (2014-2020).

4 La réflexion pourrait être développée sur ce point à partir des travaux de J. Rancière (1995) qui considère l’expérience politique comme l’expérience subjective d’un positionnement potentiellement litigieux. Parce que certains refusent à d’autres la possibilité de prendre la parole pour exprimer « leur part » d’expérience, un écart existe entre eux. C’est-à-dire entre ceux, d’une part, qui comptent, qui parlent et ceux qui, d’autre part, sont rejeté aux bords du monde, comme faisant du bruit… Étant ramené à une part des « sans parts », que seul un processus de subjectivation politique peut faire (ré)apparaître (éventuellement soutenu par un théâtre à finalité sociale et politique).

5 Extrait d’un entretien mené le 26 octobre 2023, à l’Université du Michigan, USA, avec Ashley Lucas, par Chloé Branders.

6 Extrait d’une entretien mené avec un comédien-animateur par Rachel Brahy dans le cadre de sa recherche doctorale (2009-2012).

7 Cet atelier a déjà fait l’objet d’une analyse dans : Brahy R., Beuker L., 2021, « De l’intime au collectif : Corps de femmes au travail (mimésis et performance) », Revue Impact, « Les cahiers du Centre du Théâtre Action », p. 18-29

8 Sur ce point voir notamment Brahy R., Vrancken D., 2012, « Se réaliser comme sujet dans un atelier-théâtre pour tenter de « s’en sortir » », SociologieS [En ligne], « Théories et recherches », mis en ligne le 09 mai 2012, consulté le 26 août 2024.

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