Par Rita Occhiuto (URA – Unité de Recherche en Architecture et LabVTP – Laboratoire Ville-Territoire-Paysage – Faculté d’Architecture – ULiège)

Nombreuses sont les convergences entre les arts performatifs et les disciplines du projet comme l’architecture et la conception paysagère (urbaine et territoriale), déclinées à toutes les échelles d’interaction entre les vivants (humains et non-humains).

L’action et la recherche-action, sont aussi des composantes majeures pour la réflexion et la prospection en architecture et paysage. Elles renvoient aux manières de saisir, interpréter, caractériser et transformer l’espace, c’est-à-dire les milieux marqués par les interactions entre forces naturelles et humaines (Convention Européenne du Paysage – CEP 2000).

La centralité de l’action déplace le rôle de l’architecture de l’art de bâtir à l’action continue de transformation des milieux existants. Le dépassement de son association à la construction d’objets, comme un théâtre ou un espace public, mettant en scène à la fois l’humain (place, rue, esplanade etc.) et le naturel (parc public/paysager, réserve naturelle, grands territoires, etc.), permet d’en révéler le potentiel en tant que mode de saisie et d’interprétation des interactions entre les vivants et les lieux de vie. Considérée à l’origine comme une action transformative (Vitruve), sous l’emprise de l’objectivation, l’architecture a perdu dans le temps sa charge vitale. Ainsi, le faire architecture a été réduit à la production d’objets qui simulent le mouvement à travers les variations des formes : des objets à regarder de l’extérieur, dépourvus des facteurs temps et mouvement. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer qu’une architecture, comme une place ou un paysage, ne sont pas des plateformes neutres offertes à l’action d’un ou de plusieurs acteurs. Ces milieux constituent l’expression des actions combinées de temps, mouvements et matériaux vivants en interaction : espaces en transformation continue ; agencements momentanés de matériaux naturels, agis de l’intérieur par leurs dynamiques propres, auxquelles se combinent les actions des humains, considérés aussi comme des agents géomorphologiques (G. Vogt 2001). L’outil fondamental de la conception est le projet. Celui-ci découle d’actions diverses d’immersion, écoute, décodage, compréhension et d’inscription, esquisse, interprétation inventive, effectuées de manière récursive, dans le but de dépasser le caractère figé de ce que l’humain apporte à des contextes en mutation. Le projet ne produit, donc, plus des configurations fixes, voués à la mise en scène d’autres agissements. Mais il est lui-même un moyen de mise en action, un moteur dans les mains de sociétés/communautés, qui se trouvent, souvent, en incapacité de saisir les mouvements en cours, propres aux contextes vivants qu’ils occupent.

Pour accueillir pleinement ce changement, nous proposons un renversement de posture : cesser de considérer la composition spatiale comme un mode de production de cadres figés pour la mise en scène d’objets, pour l’appréhender comme un moyen d’éveil, agissant de la même manière que les arts performatifs, faisant appel à la perception à la fois de concepteurs et d’usagers engagés dans les lieux.  Le concepteur n’est plus un observateur extérieur. Il s’engage aussi, progressivement dans les lieux, en passant de la position d’usager occasionnel à celle d’acteur concerné. Ce déplacement progressif de rôle permet de découvrir des postures architecturales actives, vivantes, voire adaptatives, opposées aux visions traditionnelles qui cantonnent encore l’architecture aux aspects esthétiques, aux techniques performancielles et aux dispositifs spectaculaires de villes et bâtiments, morts ou muséifiés, ou encore, comme Barthes les a définis, « des boîtes vides » à remplir par les fonctions que les sociétés veulent bien leur accorder au fil du temps.

Ce renversement est nécessaire pour traiter des relations muables entretenues entre la société et les milieux de vie. Dans cette relation mouvante, l’architecture, comme le théâtre, n’a pas été uniquement l’instrument du pouvoir. Elle a été aussi le moyen critique, voire subversif parfois, pour remettre en question l’ordre établi. L’architecture peut, soit jouer le rôle de miroir de la « société du spectacle » (G. Debord 1996) dans laquelle nous agissons, soit aller au-delà de ce qui lui est demandé. Elle peut orienter aussi vers des lectures multiples, ouvertes, voire des interprétations inventives, dépassant la simple représentation du réel, en conduisant vers de nouvelles relations, cheminements et traversées (R. Occhiuto 2005). Si le terme société est considéré comme contexte, terrain, géographie naturelle et humaine, l’agir en tant que miroir en architecture peut servir, soit à révéler les interrelations existantes, soit à rendre visible le caractère du déjà-là, pour le remettre en mouvement à travers l’action du projet. Nous remettons en question aussi la notion de divertissement, lorsque celui-ci réfère aux états génériques de « légèreté ou plaisir ». En paysage, ce terme d’abord liés aux pleasure gardens, a conduit à l’association entre vert, détente et bien-être, ou à la construction de parcs de divertissement (ex. Disney). Par contre, en revenant au mot latin d’origine, nous orientons la réflexion vers les significations de détourner, ouvrir d’autres perspectives ou trajectoires que « divertere » peut assumer. Nous discutons, ainsi, des modes de divagations, détournement, renversement par le projet, dont l’architecture et le paysagisme disposent pour agir dans les contextes socio-spatiaux contemporains.

En effet, comme pour les arts performatifs, les arts compositionnels, à partir d’observations (ou lectures) profondes des traces (ou écritures), caractérisant contextes et territoires existants, agissent à travers le projet-action. Celui-ci, à considérer comme un medium d’interaction permettant d’entrer en dialogue avec les lieux et les communautés (R.Occhiuto 2005), prend le sens d’une «œuvre ouverte» (U.Eco 1968), c’est-à-dire une transformation en devenir, une opération in progress.

Le projet, adopté comme un mode de lecture de territoires, comparables à des textes écrits, tient à apprendre à relire les écritures existantes en réassociant, à la fois les langages passés, présents et en cours (annonciateurs de potentiels futurs). Les dessins et les traits relevés jouent le rôle d’éléments qui parlent des caractères des milieux. Cette méthode de lecture et d’interprétation vivante des inscriptions situées est enrichie des questions qui émergent du terrain, relevant du positionnement du corps dans l’espace.

En effet, l’architecture, comme le théâtre, n’agit plus à travers la mise à distance du spectateur. Au contraire, elle invite les concepteurs et les utilisateurs à éprouver l’immersion spatiale et à saisir les mouvements que les milieux permettent d’expérimenter, d’apprécier, pour en redécouvrir les qualités en tant qu’êtres vivants en action.

L’architecture et le paysagisme pratiquent les milieux en faisant appel à la perception par le corps dans l’espace, en se focalisant sur les mouvements et les changements de tous les éléments constitutifs des lieux de vie. Comme un acteur, un concepteur part de la capacité à saisir l’être dans l’espace, en interrelation avec toutes les autres composantes, et se livre à l’exercice d’arpenter, de représenter et d’étudier les éléments relevés afin de se situer au plus près des caractères de l’existant et esquisser les multiples trajectoires de transformations possibles. Le concepteur aujourd’hui n’est pas tenu à fournir une représentation objective de ce qui existe (comme la seule restitution d’un caractère pour un acteur) ou une solution unique. Son rôle est de rendre visible les multiples facettes des caractères présents et passés, orientant vers l’esquisse de plusieurs trajectoires de transformation possibles (divertere). Pour le faire, il expérimente et invite, à travers le projet, à vivre en immersion l’existant, afin de réactiver la perception depuis l’intérieur des milieux et non plus à distance, comme des consommateurs non-concernés par la vie qui est là.

Il s’agit, premièrement de vivre de l’intérieur les lieux et, ensuite, de permettre à d’autres usagers de rétablir à travers l’action du projet, l’interrelation avec les agents et les matières qui vivent avec et autour de nous. Dès lors, le projet prend le rôle d’un jeu d’échanges continus qui appellent à dépasser la vue et le désir consumériste et fonctionnel des communautés. Il permet de connaître le déjà-là pour mieux s’y insérer en tant que vivants parmi les vivants. Cette posture rend au projet le rôle d’action à la fois d’investigation (recherche des caractères) et de prospection (énonciation des voies potentielles à parcourir).

Parmi les clés d’entrée conduisant à cette vision inversée du projet, nous soulignons :

  • Les interactions continues entre échelles spatiales et temporelles, comportant le retour aux modes de lecture et d’écriture oubliés (le jardin comme laboratoire / expérimentations et liens entre le détail et l’ensemble) ;
  • L’observation tactile (toucher versus vue) de l’existant, permettant de changer de regard ;
  • La marche, pour s’immerger et connaître le réel de l’intérieur et les interactions entre le théâtre, la danse et l’architecture/paysage en tant que disciplines qui investissent et questionnent l’espace par le corps au rythme du temps.
  • L’action par le projet est illustrée à travers des approches, soit historiques, soit expérimentales.

Les approches diachroniques tissent les liens entre l’architecture, le territoire et les systèmes géographiques et/ou géomorphologiques en relevant d’une part, la criticité de la distanciation produite entre l’objet et le substrat jusqu’à aujourd’hui et d’autre part, l’urgence à prendre conscience des actions non-visibles qui échappent aux concepteurs distraits et aux usagers consommateurs.

Les approches expérimentales témoignent des postures d’avant-garde de paysagistes qui ont fait du projet un moyen d’action pour lire, reconnaître et transférer les dynamiques naturelles en des contextes urbanisés ou artificiels.  En effet, les pratiques paysagistes, méritant d’être mieux connues, adoptent des postures fondées sur l’action conduisant à mettre en œuvre des nouveaux artefacts à expérimenter. Comme dans le théâtre, les univers que les paysagistes traversent, composent et offrent au public sont des milieux à vivre, permettant de réactiver la perception et la production d’imaginaires.

La profondeur de regard et de contenu distingue les projets d’espaces publics du paysagiste Lawrence Halprin aux États-Unis. A partir de l’immersion dans des contextes naturels forts, comme les systèmes de montagne ou de rivière, il étudie les dynamiques qui relient et façonnent les espaces naturels. Ces actions immersives sont traduites, par le dessin et des hypothèses de projet, en des nouveaux systèmes relationnels répondant à des problématiques urbaines. Les reconfigurations de grands espaces publics sont des projets n’offrant pas un espace à voir. Il s’agit d’introduire des paysages construits qui profitent des points de rupture urbaine, pour recoudre les continués rompues et rétablir les relations entre les matériaux qui donnent vie aux espaces. Les places, les parcs, les jardins et les fontaines qu’il construit ne sont pas des lieux de loisir ou de détente. Ces paysages artificiels s’offrent à l’usager comme des terrains d’expérience à appréhender par le corps et par l’esprit. Eau, végétation et béton forment des milieux surprenants qui stimulent l’action et invitent à s’engager dans les multiples expériences sensorielles que l’espace suggère. Sans imposer une fonction, ces artefacts stimulent, et éveillent en offrant des actions inattendues comme la baignade, l’escalade, le jeu de résonances sonores, les découvertes tactiles, olfactives et visuelles, jusqu’à la découverte des pauses, des silences, des vibrations et de la méditation.

Les compositions de L. Halprin s’enrichissent ensuite des expérimentations conduites par son épouse chorégraphe, Ana Halprin. Ensemble, ils travaillent dans des contextes, boisés ou bâtis, invitant à investir l’espace par le corps. Ces projets montrent que l’action est un outil de dialogue entre les disciplines et un vecteur d’éducation, stimulant le réapprentissage des émotions, afin de réinvestir et donner du sens aux espaces qui nous sont légués.

Le projet, lorsqu’il est issu de la captation par l’action, peut devenir un moyen pour apprendre le mouvement à nouveau. Ainsi, par ce type de médiation, l’architecture, comme le théâtre, s’appuie sur la capacité à remettre en mouvement ce qui a été figé. Dès lors, l’action par le projet se confirme comme un moyen puissant pour détourner et réorienter les devenirs de lieux et paysages, initialement fait à l’image de la société du spectacle.

Dans les années ’90, l’action des paysagistes rencontre à nouveau l’intérêt des architectes pour les écritures territoriales et leurs méthodes peuvent mieux être mises en regard. L’invitation de M. Desvigne à considérer le « paysage comme un préalable », rejoint les objectifs d’architectes et d’experts de morphologie urbaine qui ont cherché les liens entre les structures géomorphologiques des territoires et l’intervention humaine (bâtie et non-bâtie).

Le paysage, en dépassant le statut de l’image, détient les raisons (A. Berque 1990) de tout ce qui a été réalisé (infrastructures, champs, villes, bâti et non-bâti). La ville et l’architecture révèlent les systèmes résultant des actions combinées naturelles et humaines. Et les paysages révèlent les raisons d’implantation de villes et d’artefacts humains divers. Ces convergences appellent à reconstruire des liens interdisciplinaires et à relier aussi avec les matériaux qui composent les géographies diverses et muables habités par l’humain dans le temps. La Convention Européenne du Paysage (Florence 2000) fait écho au développement de cette nouvelle conscience de l’action qui meut nos existences. Elle définit le paysage comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et humains et de leurs interrelations ».

Les aspects novateurs qui touchent à l’action, concernent l’appel à la perception (versus vision) des populations (versus individu) et aux interrelations de facteurs naturels et humains, sans hiérarchies et valeurs établies. Ces recherches et recommandations marquent un tournant important, qui légitimise la prise en compte de l’action ou des arts performatifs dans les modes de conception spatiale. Ceux-ci sont présentés dans notre contribution à travers plusieurs expériences de recherche-action menées au sein du laboratoire Ville-Territoire-Paysage (LabVTP) de l’Unité de Recherche en Architecture (URA) à l’Université de Liège (ULiège). Parmi celles-ci nous présentons :

  • des recherches portant sur la lecture, diachronique ou trans-chronique, des actions gravées dans les configurations des lieux, effectuées à partir de mediums comme des cartes et des documents historiques ;
  • des expérimentations in situ, effectuées par le corps, faisant appel à la perception en tant qu’outil de compréhension et de projet des lieux.

Dans le premier groupe de travaux figurent la relecture des actions gravées dans les tissus de la ville de Liège (Guide de l’architecture de Liège 2014) et l’étude préalable au projet du Parc Hauster, dans la vallée de la Vesdre (R.Occhiuto 2010).

Dans le deuxième groupe trouvent place la collaboration avec l’acteur et metteur en scène liégeois Pietro Varrasso pour le workshop « Paysage et théâtre » (2012), qui s’est déroulé dans le parc du Jardin Botanique à de Liège, et les pratiques expérimentales de forestation urbaine, développées à Alnarp, en Suède, par le paysagiste Roland Gustavsson et transposées dans le bassin industriel serrésien pour éprouver des hypothèses de réaffectation des sites industriels désaffectés : des contextes inquiétants où il était urgent de faire émerger le vivant, déjà en action, pour relancer des opérations adaptées à des lieux en mutation continue.

Pour le premier type de travaux l’importance des lectures diachroniques des territoires ont permis de faire émerger des aspects inattendus, en transformant, dans chacun des cas, une étude documentaire en une performance pour :

  • Révéler des aspects moins visibles d’un système paysager oublié au bénéfice d’une gestion à court terme des zones à aménager. L’arpentage et les traces saisies sur sites et sur cartes ont fait apparaître des actions qui ont fragmenté les milieux au fil du temps et ont servi à suggérer différents cadres d’action possibles pour réparer les lieux progressivement. Cette recherche-action a conduit à une forte prise de conscience des valeurs oubliées, un début d’action à plus long terme, interrompue par les inondations de 2021, effaçant d’une part les actions déjà en cours, mais démontrant d’autre part, que les voies de réparation suggérées auraient pu déjà prévenir une partie des dégâts survenus.
  • Investir et rendre responsable un public plus vaste et moins averti, dans le cas du « Guide de l’architecture moderne et contemporaine de Liège ».

Dans le deuxième groupe la portée expérientielle de chaque expérimentation démontre l’importance d’apprendre à partir des lieux, en partant de l’appréhension spatiale par le corps.

Dans les deux cas la performance et l’être in situ ont eu l’effet de reconnecter l’humain d’abord aux capacités sensorielles délaissées et ensuite de conférer un rôle novateur au projet :

  • La marche est l’outil d’expérimentation spatiale commun aux deux expériences ;
  • Le temps et les changements de parcours et de rythmes du pas sont les composantes majeures des projets immersifs proposés ;
  • Les performances permettent de remettre en éveil la perception pour la mettre au service d’une prise de conscience nécessaire pour retrouver des modes d’engagement adaptés aux questions sociétales contemporaines.

Pour conclure, nous évoquons l’expérience réalisées à travers un cycle de cours de formation pour approcher le paysage à travers l’expérience de terrain.

Le cours de 1er Master « Pays-Art : Arpenter, Dessiner, Écrire des Possibles », développé en Faculté d’architecture à l’ULiège, a été conçu comme un laboratoire d’observation des milieux altérés par l’action humaine : espaces-matière à habiter en faisant attention aux équilibres et aux risques écologiques. En collaboration avec les plasticiens S. Behets et A. Exposito-Lopez, nous avons organisé cette expérimentation pour l’étude des paysages à partir de la connaissance approfondie de ses matériaux principaux : l’eau, la terre/le sol, le végétal et l’air. Structuré en trois temps et modes d’action, le cours a invité des étudiants, déjà orientés vers la conception d’objets d’architecture, à se focaliser plus spécifiquement sur les matériaux constitutifs des contextes à transformer par le projet. A chaque matériau a été associé un milieu interpellant, demandant à se confronter avec des contextes qui, en ayant perdu en visibilité et en importance, nécessitaient d’être remis en question. En partant du principe du  paysage, et plus spécifiquement de l’un de ses matériaux comme l’élément à reconnaître, comme le préalable dont redécouvrir le potentiel pour conférer une nouvelle qualité aux lieux et une conscience située aux habitants qui en prennent soin.

Ainsi, le thème de l’EAU (Temps de fluctuations des paysages de l’eau en 2020-21), a été associé aux paysages de la Basse Meuse, où le fleuve et le canal se côtoient et les paysages se déploient en montrant les changements qui ont modifié les relations entre l’élément naturel et son contexte artificialisé.

Le thème du SOL (Prendre soin du sol : cultiver des imaginaires en 2021-22), a été associé à un tronçon de la vallée de la Vesdre, correspondant à celui déjà étudié pour le parc Hauster et bouleversé par le renversement paysager apparu après les inondations (11 ans après la réalisation du parc, effacé par l’eau en 2021).

Le VEGETAL (Agir avec la forêt : de l’esthétique à l’écologie en 2022-23), a été associé au paysage visible de la Montagne St. Pierre, site d’extraction minière à la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas. L’expérimentation a été renforcée par des promenades différentes, dont certaines d’observation et de dessin, d’autres de connaissance des dynamiques végétales (passées et en cours), pour finir avec plusieurs marches silencieuses d’immersion dans l’espace, complétées par des performances d’un groupe d’acteurs et musiciens dirigés par Pietro Varrasso.

L’AIR (Atmosphères du vivant : rencontres entre eau, terre et ciel en 2023-24), a été associé aux plateaux de la montagne St. Pierre et l’expérimentation a été mise en relation avec d’autres moments de réflexion paysagère conduits à travers des rencontres organisées dans le cadre d’un Living-Lab d’une recherche-action.

Cette expérience de recherche-action à travers l’enseignement a révélé l’importance de mettre en œuvre des actions d’éveil et de sensibilisation, non seulement pour des futurs concepteurs, mais aussi pour les populations qui, étouffées par un vécu conditionné par les aspects prioritaires fonctionnels et économiques des territoires, ont fini par prendre de la distance par rapport aux milieux dont ils devraient, par contre, être les connaisseurs-experts et les gardiens.

L’expérience directe alimente la connaissance en aiguisant les regards et en renforçant les volontés à être partie prenante des lieux. L’action immersive, dans les différents types d’expériences s’avère être l’un des moyens parmi les plus efficaces et porteurs pour réengager les populations dans les milieux vivants qui les accueillent.

L’action s’impose ainsi comme un moyen de dialogue transdisciplinaire, permettant à chaque approche spécifique de compléter, continuer ou rediriger l’autre.

De la même manière, l’action s’avère nécessaire non pas pour donner ce que la société demande, mais pour en transgresser les règles, dépasser les limites et trouver des nouvelles pistes de développement en pratiquant le détournement, la réorientation et le changement de trajectoire.

Bibliographie

BERQUE A., (1995) Les raisons du paysage. De la Chine antique aux environnementaux de Synthèse, s.l., Paris, Ed.Hazan.

DESVIGNE M., (2011) “Le paysage en préalableʺ in “Le paysage en préalable. Michel Desvigne-Grand Prix de l’Urbanisme 2011ʺ dir. Masboungi A., Marseille, Ed. Paranthèses, pp.16-85.

ECO U., (1965) L’œuvre ouverte, Paris, Ed. Seuil.

OCCHIUTO R., (2005) “Le Paradigme de l’Écart dans l’Espace Critique du Projet de Paysage », Thèse Doctorat en Urbanisme et Aménagement du Territoire, dir. Prof. Collette J-P., Faculté Sciences Appliquées ULiège, BE –  unpublished.

L’auteure

Rita Occhiuto est architecte de l’Université de Rome La Sapienza et Docteur en Aménagement du Territoire et Urbanisme, avec thèse en Paysage auprès de la Faculté des Sciences Appliquées de l’ULiège. Elle est membre fondateur du réseau UNISCAPE pour l’application de la convention Européenne du Paysage. Professeure et chercheuse en Architecture et Paysage elle pratique la recherche par le projet et en diffuse et applique les principes à travers l’enseignement, la recherche-action in situ et la réflexion doctorale. Elle organise et participe à des workshop, conférences et séminaires internationaux permettant l’expérimentation trans-inter-disciplinaire.

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